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LE KITSCH : CE QUE L'ART N'EST PAS
Entretien avec Saverio Hernandez
"L'art, c'est quoi ?": il n'est pas du tout facile de répondre à cette question d'autant plus que dans toute définition de l'art se cache aussi le danger d'une prescription et l'art, comme on sait, supporte mal les règles. Il est peut-être plus facile de dire ce que l'art n'est pas, de la même manière qu'il est plus facile, quelquefois, de reconnaître le mal du bien.
Eh bien, le "mal" dans l'art a sa physionomie et porte un nom : kitsch.
Le mot provient probablement de l'allemand verkitschen
qui signifie "refiler sous-main", "vendre quelque chose au lieu de ce qui avait exactement
été demandé". Ce terme est généralement employé comme synonyme de "mauvais goût": c'est ainsi
par exemple que l'on définit les nombreux souvenirs religieux que les touristes peuvent acheter,
près des églises les plus visitées, ou bien les petites reproductions en plastique des célèbres
sculptures vendues au dehors des musées, ou, encore, des bibelots abondant en décorations exposés
dans les vitrines des magasins de souvenirs.
Tous ces objets ont en commun la prérogative désagréable
d'apparaître "faux", de viser à un effet obtenu, pour ainsi dire, à bon marché, parce qu'ils
sont privés de cette qualité technique et esthétique qui permet de reconnaître les œuvres
d'art authentiques ou les objets d'artisanat de qualité.
Le kitsch comporte donc une falsification, une négation
de l'authentique et, en ce sens, c'est un phénomène typiquement moderne.
C'est en effet avec la diffusion des procédés industriels
qu'il a été possible de reproduire à bas prix non seulement des produits nouveaux, mais aussi
et avec autant de succès, des produits qui appartiennent à la tradition la plus ancienne.
Ainsi, même s'il existait dans le passé une hiérarchie précise des valeurs selon lesquelles
certaines œuvres étaient jugées mal réussies, "laides", ce n'est qu'avec la société industrielle
moderne que cette absence de valeur esthétique s'est définie et a été classée sous le nom de
kitsch qui regroupe tous les objets lesquels, bien qu'ayant les caractéristiques extrinsèques,
l'apparence de l'œuvre d'art, sont, en effet, une vulgaire contrefaçon.
Bref, si la définition des caractéristiques qu'un objet
doit posséder pour accéder au statut d'"œuvre d'art" est une entreprise impossible, on peut
au contraire essayer de tracer le profil de l'objet kitsch.
Voici ses caractéristiques les
plus récurrentes :
- Mimétisme matiériste (par exemple : bois peint à l'imitation de marbre, le plâtre à
l'imitation du bronze).
- Rapprochement criard de couleurs et de matériaux ( le rose et le marron, le fer et
le tissu).
- Accords chromatiques "extrêmes" (toutes les couleurs de l'arc en ciel dans un mélange
réciproque, ou, vice-versa, tous les tons "pastel" - du rouge au rose bonbon au violet au lilas)
- Combinaison d'éléments traditionnels et avant-gardistes [petite maison en pierres et
cheminée aérodynamique].
- Discordances sémantiques [des séjours ressemblant à des tavernes, des essuie-mains avec
l'image de la Joconde].
- Aberrations dimensionnelles [la Tour Eiffel réduite aux dimensions d'un bibelot, la
montre transformée en une horloge].
- Synthèse de fonctions [allume cigares + torche électrique + carillon].
- Multiplications des fonctions [couteau pour le pain, couteau pour la pizza, couteau
pour le beurre, couteau pour le jambon, couteau pour le fromage, couteau pour les fruits…].
- "Horror vacui" [surfaces saturées avec des images, des symboles et des décorations].
- Mélange arbitraire des styles.
(Si vous possédez plus d'un objet avec ces
caractéristiques, ne vous en préoccupez pas : personne, même pas l'artiste le plus sévère,
ne peut se déclarer indifférent au charme du kitsch)
Propos recueillis par Paola Veschi