Lycée Jean-Louis Calderon
Timisoara |
Roumanie |
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" L'ART EST UNIQUE ET INDIVISIBLE "
La polémique concernant le droit de se nommer "art", parmi
les plus sages sujets du royaume, a dirigé leurs pas vers l'homme qui rend justice : le roi.
Dans l'antichambre de sa Majesté, en attendant l'audience
sollicitée, chacun d'eux essayait de convaincre l'autre que c'était lui qui méritait le rang
d'"art".
Ainsi, la Sculpture, en prenant la pose de Zeus par Fidias
dit :
- Vous avez devant vous deux blocs massifs de pierre ;
l'un d'eux est brut, qui n'a pas été taillé artistiquement, l'autre est devenu une statue
grâce à l'art. A l'instant vous paraîtrait belle la pierre qui a pris une forme à l'aide
de l'art ; mais, pas parce qu'elle est en marbre, car autrement l'autre pierre vous paraîtrait
belle aussi, mais parce qu'elle a une forme que l'art lui a donnée. Mais la matière n'avait
pas une telle forme, elle n'existait que dans l'esprit de celui qui l'a créée avant qu'elle
devienne pierre. Elle existe dans l'âme de l'artiste seulement parce qu'il est doué de
talent.
- Je ne mets pas en doute le droit de la Sculpture de
se nommer "art", répondit la Poésie. A l'art et à la science on arrive en méditant, à la
Poésie non, parce que cela signifie inspiration, même quand elle prend consistance, elle
est conçue dans l'esprit. La Poésie ne devrait être nommée ni art, ni science, mais génie.
- Pourtant, entre temps, vos poètes mettent de l'eau
dans l'encre, répliqua la Sculpture.
Pour détendre l'atmosphère, la Musique, avec une voix de
violon Stradivarius, s'immisça dans la discussion :
- La grandeur de l'art apparaît plus particulièrement dans la Musique car celle ci n'a
pas de matière dont on doit faire abstraction. Elle n'est que son, forme et contenu,
élevant et ennoblissant tout ce qu'elle exprime. La Musique est sacrée ou profane. La
sacralisation confère à la Musique de la sérénité et a, sur la vie, une très grande
influence.
- Vous avez raison, intervint la Peinture, en approuvant
les affirmations de la Musique pour se faire un allié. Une musique où on mêle le sacré et le
profane n'a aucun sens et un médiocre qui aime exprimer des sentiments impuissants, piteux,
douloureux, est privé de goût. Parce qu'elle n'est pas assez sérieuse pour être sacrée,
elle manque du caractère principal de celle qui lui est opposée : la sérénité.
En ce qui me concerne, la Peinture est la plus agréable et la plus accessible de tous les
arts.
-Bien sûr, s'exclama la Musique. Accessible, parce qu'on
ferme l'oeil sur beaucoup de choses et le sujet nous fait plaisir bien qu'il soit seulement
habileté ou un mode d'art rudimentaire ; parce qu'une exécution technique, étant même sans
esprit, impressionne en même temps l'inculte et le cultivé et c'est pourquoi la Peinture n'a
besoin que de l'élever un peu vers ce que serait l'art pour qu'elle soit bienvenue. Agréable
est même le respect dans la coloristique. Et comme l'oeil est accommodé de voir tout, une figure
ou une scène fausse n'est pas si désagréable qu'un ton faux pour l'oreille.
Donc, même s'il n'est pas un grand artiste, un peintre
trouve un public plus nombreux qu'un musicien du même niveau.
- Vous avez de l'imagination,
répondit la Peinture.
- Seulement l'art, spécialement la Poésie, met l'imagination en ordre,
déclara la Poésie.
-Rien n'est plus affreux qu'une imagination sans
goût artistique, coupa court la Sculpture.
- J'ai aussi une opinion, dit la Musique :
s'il s'agit d'écouter l'opinion des autres, qu'elle soit exprimée positivement.
- J'ai suffisamment d'idées répondit la Sculpture.
- D'accord, compléta la Musique. Je crois que je suis
dans votre assentiment si j'affirme que la Musique et la Sculpture, dans le bon sens, n'ont
pas besoin de nouveauté, par contre, plus elles sont vieilles, plus elles ont de l'effet.
La Peinture, prenant le sourire de la Joconde et
profitant du silence, attaqua avec un dernier argument :
- Dans mon palais, j'ai hébergé souvent Léonard de Vinci, Raphaël, Monet, Delacroix,
Ingres, Van Gogh, Rembrandt, Mignard…
Ca suffit, crièrent les autres.
Et, comme dans un orchestre de chambre, chacun commença
à faire l'éloge de Shakespeare, Balzac, Beethoven, Vivaldi, Michel-Ange, Mozart, Bach.
Dans ce vacarme épouvantable, le roi fit sa magistrale
apparition et après avoir invité ses paisibles sujets à engloutir leurs hurlements,
il fit un bref discours :
Vous êtes venus à mon auguste personne pour que je vous accorde le titre "d'art".
Après avoir passé parmi les sas de la raison et de la justice vos doléances, s'est imposée
une vérité évidente : L'art est unique et indivisible. Chacun d'entre vous a le droit à ce rang.
Priver l'une de vous du titre suprême "d'art" signifierait essayer de parfumer la rose
ou d'ajouter une nuance à l'arc-en-ciel. Cela serait le comble de la sottise et du ridicule.
Fratila Lavinia, 15 ans